terça-feira, janeiro 09, 2007

20 décembre 2006

Avis de l'Association syndicale des magistrats
concernant le projet de loi modifiant le code judiciaire
en vue de lutter contre l'arriéré judiciaire
1. Considérations générales sur la philosophie du projet.
L’objet du projet de loi consiste à assurer une mise en état des causes aussi rapide et efficace que possible. Depuis toujours, l’ASM oriente son action et sa réflexion vers une amélioration du service rendu au justiciable. Dans cette mesure, l’objectif du projet rencontre ses préoccupations et le texte proposé est réjouissant.
De même, l’ASM se réjouit de voir coulées dans un texte un certain nombre de pratiques prétoriennes développées dans plusieurs arrondissements judiciaires. Elles ont fait preuve de leur efficacité et de leur souplesse. Les voir reconnues témoigne d’une confiance envers la justice de proximité et renoue avec un certain bon sens.
L’ASM veut mettre en exergue les mesures qui, dans la majeure partie des cas, lui paraissent les plus favorables, telles que : l’aménagement d’un calendrier de procédure dès l’audience d’introduction, la purge des vices de procédures aux premiers stades de l’instance, la généralisation des conclusions de synthèse, le dépôt préalable des pièces au greffe.
Il faut toutefois se garder de la rigidité dans les textes et permettre une certaine souplesse dans l’application de ces mesures qui pourraient se révéler inadaptées pour certaines juridictions.
Un point du projet de loi a déjà fait couler beaucoup d’encre : il concerne les sanctions à appliquer au juge en retard dans son délibéré. Si le projet est sujet à critique dans sa forme actuelle, il ne faut toutefois pas focaliser son attention sur cette disposition et rejeter tout un projet qui, dans l’ensemble, reçoit notre adhésion.
2. Les mesures positives pour lutter contre l’arriéré judiciaire
La formule selon laquelle «le litige est l’affaire des parties» ne peut plus être admise si elle est à l’origine d’un important retard dans le traitement du contentieux judiciaire. Les juges n’ont pas pour unique rôle de trancher le litige qui leur est apporté par les parties. Ils doivent aussi pouvoir veiller au bon fonctionnement du service public de la Justice.
L’ASM. soutient dès lors le projet de loi avec conviction en ce qu’il consacre le rôle actif du juge dans le déroulement de la procédure.
L’ASM estime utile de formuler les observations qui suivent.
2.1 Mise en état judiciaire
La formule de la mise en état judiciaire, comme elle est envisagée par le projet de loi, rencontre les exigences de l’efficacité et du respect des droits de la défense. Elle offre une certaine souplesse qui permet de l’adapter à la diversité de situations. De même, le projet envisage à juste titre, une voie intermédiaire (remise à date rapprochée), pour des affaires qui ne requièrent pas une mise en état approfondie. Cependant, tel que rédigé, le texte souffre d’un manque de clarté qui risque d’engendrer une mauvaise compréhension de son objectif. Il semble ne pas choisir clairement entre la mise en état judiciaire et la mise en état consensuelle.
Il serait utile :
- de distinguer clairement les deux formes de mise en état ;
- d’indiquer clairement
o que la mise en état est en principe judiciaire ;
o que la mise en état consensuelle est l’exception et requiert l’accord des deux parties.
Par ailleurs, la procédure de mise en état judiciaire peut être encore allégée en revalorisant la fonction de l’audience d’introduction : une rapide discussion entre les parties et le juge à cette audience peut permettre de fixer un calendrier de procédure adapté à l’affaire et recueillant les desiderata de chacun. Cette formule du calendrier acté à l’audience d’introduction est déjà en vigueur dans certaines juridictions qui ont pris des initiatives pour accélérer le déroulement des procédures. Il serait utile de la consacrer dans le texte.
2.2. Rôle actif du greffier
Le projet de loi omet un intervenant, sans doute plus discret. Or, le greffier est un acteur indispensable pour atteindre l’objectif d’un meilleur fonctionnement des juridictions. En particulier, si le Code judiciaire consacre le greffier des rôles comme véritable gestionnaire des fixations, il est nécessaire de lui en donner pleinement les moyens en lui conférant une fonction plus active. Ainsi, le fait que la date de l’audience de plaidoiries soit déterminée très rapidement après l’introduction de l’affaire est un point positif du projet de loi. Cependant, il est fréquent que le litige évolue au cours de sa mise en état : par exemple, les parties se sont mises d’accord ou une partie renonce à certaines prétentions, de sorte que le temps de plaidoirie réservé à cette affaire est devenu inutile ou a sensiblement diminué. Le greffier des rôles doit avoir la possibilité de tenir compte de ces événements par une véritable gestion de son rôle. Par exemple, s’il s’avère que les parties «décommandent» une affaire, il doit pouvoir combler le vide laissé et y intégrer éventuellement une affaire fixée à une date plus éloignée, en ayant pris au préalable contact avec les avocats des parties. A l’heure actuelle, une certaine sclérose empêche que, dans la plupart des juridictions, une telle politique dynamique soit menée. Le Code judiciaire doit consacrer le greffier des rôles dans cette fonction.
2.3. Contenu des conclusions
Le projet prévoit que «le juge peut écarter des débats les conclusions qui excèdent fautivement les contours d’une réplique». Cette règle est particulièrement floue. A l’inverse, quand les conclusions excèderont-elles «non fautivement» les contours d’une réplique ? Sur la base de quel critère apprécier s’il y a «faute» ? Que sont les «contours d’une réplique» ? Il serait plus clair de retenir la solution dégagée par la Cour de cassation : «La partie qui conclut en dernier lieu ne peut soulever un nouveau moyen de droit auquel les autres parties ne peuvent plus répondre.»
2.4. Audience
L'article 756 ter en projet contient trois éléments :
a) le juge peut poser des questions aux parties après les plaidoiries
b) le juge peut remplacer les plaidoiries par des questions-réponses, pour autant que les parties soient d'accord
c) les parties peuvent aussi poser des questions, pour autant qu'elles aient déjà été formulées en termes de conclusions.
L'utilité de cette disposition n’apparaît pas très clairement. Au contraire, elle peut avoir des effets pervers. Le texte ne fait qu'entériner une pratique qui était déjà courante et normale. Il va donc de soi. Ne pèche-t-il pas par excès de réglementation ? Il risque d’être utilisé par des plaideurs «procéduriers» qui en exigeraient une application à la lettre, alors que, dans la pratique, une certaine souplesse est indispensable pour l’organisation concrète des plaidoiries.
2.5. Procédure écrite

La pratique montre que, dans certains cas, l’audience de plaidoiries n’est pas nécessaire, les plaideurs se contentant de reprendre oralement le contenu de leurs conclusions. Cependant, dans sa forme modifiée par le projet de loi, l’article 775 du code judiciaire risque de souffrir du même désintérêt qu’actuellement. Pour qu’elle soit attractive, la formule doit garantir un «plus» aux plaideurs (gain de temps et de déplacement, pas de nécessité de préparer le dossier pour plaider, garantie d’un jugement dans un délai raisonnable…). Par ailleurs, elle implique une organisation de la charge de travail au sein de la juridiction. Il serait utile que cette procédure soit mieux encadrée par le code, notamment dans le cadre de la mise en état judiciaire.
En outre, il pourrait être prévu que certaines phases de la procédure soient en principe réglées par la procédure écrite, sauf demande expresse des parties. Tel pour être le cas, par exemple, du règlement des conflits de compétence devant le tribunal d’arrondissement : la plupart du temps, le point à trancher est purement technique et les parties souhaitent prioritairement qu’on leur désigne le juge devant lequel elles pourront s’expliquer sur le fond.
2.6. Motivation positive

L’ASM a pris connaissance de la suggestion du Conseil supérieur de la Justice visant à limiter l’obligation de motivation à une motivation dite «positive».
Cette proposition n’étant pas intégrée dans le projet de loi, l’ASM ne formule pas d’avis à ce stade. Elle ne manquera pas de se prononcer sur le sujet le moment venu.
2.7. Réouverture des débats
Les réouvertures des débats sont actuellement une cause de retard important dans le traitement d’une affaire, alors que les parties ont échangé leurs arguments respectifs. En effet, la réouverture des débats implique, selon la jurisprudence dominante, une nouvelle audience, qui parfois sera très éloignée de la date de prise en délibéré. Il faut donc saluer le projet de loi qui simplifie cette procédure: le juge interpelle les parties sur une question qu’il soulève; celles-ci peuvent répondre par écrit dans un délai fixé sans qu’une nouvelle audience ne soit nécessaire. Une hypothèse assez similaire est celle dans laquelle, en cours de délibéré, le juge se rend compte qu’une (ou plusieurs) pièce utile lui manque. Il peut s’agir d’une pièce qu’une partie annonce dans son inventaire (ou dont elle fait état dans ses conclusions) et qu’elle a omis de déposer, ou encore d’une pièce que le juge estime nécessaire pour se forger une opinion. A nouveau, une audience n’est pas toujours indispensable pour ce seul dépôt de pièce. La solution dégagée par le projet de loi pour la réouverture des débats devrait être ici transposée: un délai pour déposer et communiquer la pièce demandée accompagnée, le cas échéant, d’une note écrite et un délai de réplique pour la partie adverse.
2.8. Réparation d’omissions

Si le juge a oublié de statuer sur un point, même évident, il ne peut revenir sur son jugement pour le rectifier. La partie qui se plaint de cette omission doit dès lors, soit interjeter appel (ou introduire un pourvoi en cassation), soit former une nouvelle demande par un nouvel acte introductif. Cette obligation retarde et alourdit considérablement le traitement définitif d’un litige. Assez curieusement, ce qui est interdit au juge est pourtant permis à l’arbitre. Une disposition comparable à l’article 1708 du code judiciaire ou à l’article 461 du code français de procédure civile devrait dès lors être introduite: «Si le juge a omis de statuer sur un ou plusieurs points du litige qui peuvent être dissociés des points sur lesquels il a statué, il peut, à la demande d’une des parties compléter son jugement». Un mode simplifié d’introduction de cette demande devrait être prévu, et, éventuellement, un délai.
2.9. Autres simplifications
Il faut se réjouir de la simplification par le projet de loi de certains aspects de la procédure, notamment:
- l'insertion de l'art. 18 ter, qui supprime l'effet "couperet" de l'irrecevabilité, alors que la cause d'irrecevabilité peut parfaitement avoir disparu en cours de procédure;
- la simplification des règles de signature des jugements;
- l’application de l’article 867 aux délais accélérateurs prescrits à peine de nullité ou de déchéance, autre que les délais de recours;
3. La sanction du retard dans le délibéré.
Il ne faut pas confondre justice efficace et justice expéditive. A l’inverse, il ne faut pas négliger l’attente légitime du justiciable qui est en droit d’espérer de son juge que ce dernier traite son dossier avec compétence et diligence. Le délai légal d’un mois pour rendre une décision de justice doit évidemment être la règle et les retards doivent rester exceptionnels. Le projet de loi consacre un volet important à ces retards dans le prononcé des jugements, et l’on peut s’étonner de la sévérité du texte si on lit par ailleurs l’exposé des motifs, qui situe les causes de l’arriéré judiciaire pour l’essentiel lors de la mise en état de l’affaire par les parties, d’une part, et dans le délai de fixation, d’autre part. Même s’il est inacceptable, le phénomène ne constitue donc pas la principale cause de l’arriéré judiciaire. Entre le juge distributeur de décisions péremptoires et le juge escargot, il y a de multiples nuances. On méconnaît parfois la difficulté qu’il y a à juger, avec compétence et sagesse, en âme et conscience. Le métier du juge se distingue de nombreuses autres professions en ce qu’il doit appliquer une norme générale à une situation particulière : quelle que soit sa connaissance de la règle et de son interprétation, le dossier est, lui, toujours unique, il est le dossier d’un seul homme, d’une seule femme, d’une seule entreprise, d’un seul justiciable qui est en droit d’espérer avant tout que son juge le juge dans sa singularité. En souscrivant à une optique essentiellement répressive du juge, le projet de loi ne rend malheureusement pas assez compte de ces nuances. Un certain nombre d’options peuvent recevoir une approche positive: ainsi, l’élaboration d’une liste mensuelle des délibérés en retard peut constituer un bon outil de travail et existe
déjà dans de nombreux arrondissements.
Pour être conçue de façon optimale, il nous paraît toutefois que certaines garanties doivent accompagner la généralisation de cette liste:
1° Elle doit rester strictement interne à la juridiction. Si l’on se félicite que le retard dans le délibéré redevienne de la stricte compétence du chef de corps de la juridiction, et non du premier président de la cour d’appel, il n’est pas admissible que cette liste soit transmise au Parquet. Il n’appartient pas au Ministère
public de s’immiscer dans les problématiques de gestion interne des juridictions et dans les prérogatives d’organisation revenant à leur chef de corps. Sur ce point, le projet de loi doit être impérativement modifié.
Elle doit être un instrument de discussion et non un instrument de pression. Le projet a le tort d’en faire par ailleurs la base d’un dossier constitué «à charge du magistrat» dans les procédures d’évaluation et les procédures disciplinaires. En créant un lien direct avec la procédure disciplinaire, surtout en imposant une sanction minimale sans nuance, on risque de réduire à néant tout espoir que cette liste mensuelle soit une base de dialogue constructive entre le magistrat et son chef de corps. Lorsque le retard dépasse certaines limites – le code judiciaire retient aujourd’hui un délai de 3 mois qui nous paraît raisonnable – il est évidemment utile de rappeler qu’il est du devoir et de la responsabilité professionnelle du magistrat d’en informer son chef de corps. L’idée de susciter à cette occasion une entrevue nous paraît heureuse, pour autant que les garanties exprimées ci-avant soient maintenues. Et quand la situation est telle que le chef de corps doit faire le constat que le magistrat fait partie des «juges escargots»? Il n’est pas nécessaire d’intégrer une sanction disciplinaire dans l’article 770 du code judiciaire. Une procédure disciplinaire existe dès à présent, même si sa mise en oeuvre effective semble poser problème. Il s’agit là d’une responsabilité des chefs de corps, auxquels il revient de vérifier si des difficultés existent dans leur juridiction, d’y apporter remède avec concertation et détermination: un juge escargot peut être sanctionné, dans l’état actuel du code judiciaire. Il est inutile de changer celui-ci sur ce point.
4. En conclusion.
L’ASM se réjouit du projet de loi, dans sa partie «réforme de la procédure».
Plusieurs pratiques prétoriennes se voient consacrées et encouragées.
En ce qui concerne le volet disciplinaire du projet, il est excessif de jeter la suspicion sur toute une profession. Le projet semble essentiellement répondre à quelques situations isolées qui ont été particulièrement médiatisées. L’ASM préconise plutôt la surveillance interne du contrôle du délai de délibéré et le dialogue constructif entre le magistrat et son chef de corps, et rappelle qu’il est de la responsabilité des chefs de corps de mettre en oeuvre les procédures disciplinaires qui existent déjà dans le code judiciaire lorsque la concertation est impuissante à accélérer le prononcé. Sur ce point, il ne faut pas modifier les textes, il faut changer les mentalités.
Association syndicale des magistrats
2006-1220

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